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La Morto en Venecio de Thomas Mann

Malgré son petit volume, La Morto en Venecio n’est pas une lecture facile et rapide. Malgré le sable de l’Adriatique, il ne s’agit pas non plus d’un roman de plage. Et malgré un titre qui évoque Agatha Christie, La Mort à Venise n’a rien du polar.

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Gustav von Aschenbach, célèbre écrivain munichois, traine sa neurasthénie dans un voyage jusqu’au Lido de Venise. Là, il tombe amoureux de Tadzio, fasciné par la beauté divine de ce jeune garçon polonais. Plongé dans une adoration silencieuse, il l’observe en cachette et le poursuit dans le labyrinthe des ruelles de la ville. Sa passion va le pousser à rester au Grand Hôtel des Bains alors qu’une épidémie de choléra se déclare. Fatale négligence !
Au fil des pages, Aschenbach partage avec le lecteur ses réflexions philosophiques sur l’art, la beauté, le vieillissement, le souvenir, la nostalgie, la mort. Il nous baigne aussi dans les références à la culture grecque antique qu’il faut connaitre pour bien appréhender la réflexion, notamment sur cette relation platonique entre deux hommes d’âges différents : l’"Odyssée”, le “Banquet” de Platon, Éros, les mythes d’Hyacinthe, de Sémélé et de Ganymède, le “Phèdre” de Socrate (mal traduit en “Fajdro” au lieu de “Fedro”)…

Thomas Mann écrit cette nouvelle en 1912, soit 27 ans avant son prix Nobel. Il n’a rien à envier à Proust pour ce qui concerne la longueur des phrases, l’enchevêtrement des subordonnées et la syntaxe complexe. La traduction de Piet Buijnsters rend-elle bien justice à l’original ? Le texte espéranto suit peut-être trop fidèlement l’ordre des mots allemands, ce qui ne rend pas la navigation aisée dans les canaux de ce récit vénitien. On se perd dans les différents niveaux de subordination des propositions signalés par une ponctuation quelquefois aléatoire. La position inhabituelle en français de certains compléments rend la compréhension plus nébuleuse encore pour le lecteur francophone [ex. “sablokastelo (...) de infanoj konstruita”]. L’usage d’adjectifs comme substantifs avec leur terminaison -a peut prendre le profane au dépourvu [ex. “ĉe la brusto de la simpla, ega” ou “trovi ripozon ĉe la perfekta” ou “Tadzio kaj la siaj”]. La traduction laisse aussi quelques calques maladroits. Toute la palette du lexique espéranto ne semble pas avoir toujours été exploitée à fond, mais le texte recèle tout de même quelques tournures de traduction fort élégantes. Cependant, le bel orient de ces perles est complètement gâché par les trop nombreuses coquilles, encore présentes dans l’édition de 2015, soi-disant révisée ! Cette relecture plus que négligée laisse des bourdons, des retours à la ligne intempestifs en milieu de phrase, des fautes de syntaxe et de grammaire, des doubles négations, etc.
Bref, si vous le pouvez, lisez Des Tod in Venedig en allemand ou, mieux, proposez à FEL une version en espéranto réellement révisée.