français
Accueil du site > Agir > Enseignement > La circulaire Jean Zay

La circulaire Jean Zay

Les espérantophones français se réjouissent de l’entrée de Jean Zay au Panthéon !
Alors ministre de l’Éducation nationale, il a signé la circulaire du 11 octobre 1938 favorisant les cours facultatifs d’espéranto dans les établissements scolaires.

Seize ans auparavant, la circulaire Léon Bérard avait interdit toute propagande en faveur de l’espéranto !

Une proposition est pourtant déposée au siège de la Société des Nations en décembre 1921 par onze pays parmi lesquels l’Inde, la République de Chine, la Perse et l’Afrique du Sud. Elle vise l’inscription de l’espéranto parmi les langues admises dans toutes les écoles du monde (Cf. « L’espéranto comme langue auxiliaire internationale », rapport du Secrétariat général adopté par la troisième Assemblée
de la Société des Nations
).

La circulaire Léon Bérard (1922)

Mais en France, le ministre de l’Instruction publique Léon Bérard interdit, en 1922, la mise à disposition des locaux scolaires pour son enseignement. Il s’agit de la circulaire ministérielle du 3 juin 1922 interdisant toute propagande en faveur de l’espéranto :

« Paris, le 3 juin 1922.

Le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts à Monsieur le Recteur, Président du Conseil de l’Université de Paris.

Depuis quelque temps on me signale qu’une propagande des plus actives est faite, tant auprès des élèves des établissements d’enseignement qu’auprès des maîtres, en faveur de l’Espéranto. J’ai même été saisi, à plusieurs reprises, de demandes émanant de corps constitués ou d’Associations, tendant à faire figurer l’Espéranto au nombre des matières qui sont enseignées dans les établissements de l’Enseignement Primaire, de l’Enseignement Secondaire et de l’Enseignement Technique. C’est pourquoi j’estime que le moment est venu d’examiner la question de l’Espéranto dans ses rapports avec l’enseignement public.

Je suis absolument convaincu que l’Espéranto n’a aucun titre à figurer dans l’enseignement. Les raisons qui ont fait introduire de plus en plus les diverses langues vivantes dans les programmes n’existent pas pour l’Espéranto. Pour admettre l’enseignement d’une langue dans nos classes, il faut qu’elle ait à la fois un usage très répandu et une littérature digne de ce nom. L’Espéranto n’a ni l’un ni l’autre.

Je n’insiste pas ici sur le caractère artificiel de l’Espéranto. Quels que soient les avantages pratiques pour les relations commerciales que peut avoir un instrument qui, en ce cas, n’a la valeur que d’un code télégraphique, il est absolument chimérique de penser qu’un jour prochain, la plupart des hommes arriveront malgré leurs mentalités si diverses et leurs aptitudes linguistiques si différentes, à prononcer les mêmes sons de la même façon et à donner les mêmes sens aux mêmes mots.

Je crois aujourd’hui devoir appeler votre attention sur les dangers que l’enseignement de l’Espéranto me parait présenter dans les circonstances que nous traversons. Il serait fâcheux que l’éducation à base de culture latine que nous défendons puisse être amoindrie par le développement d’une langue artificielle qui séduit par sa facilité. Le français sera toujours la langue de la civilisation et, en même temps, le meilleur moyen de divulguer une littérature incomparable et de servir à l’expansion de la pensée française. J’ajoute, au point de vue strictement universitaire, que le développement de l’Espéranto nuit à l’enseignement des langues vivantes encore trop peu répandu et trop peu efficace.

Aussi bien, les dangers de l’Espéranto semblent s’être accrus depuis ces derniers temps. Des organisations internationales, qui ont leur siège à l’étranger, s’efforcent de développer les relations entre les groupes espérantistes des divers pays. D’après les documents que publient certains de ces organismes, le but de cette propagande ne serait pas tant de simplifier les relations linguistiques entre les peuples, que de supprimer, dans la formation de la pensée, chez l’enfant et chez l’homme, la raison d’être d’une culture nationale.

Ces groupements visent surtout l’esprit latin et, en particulier, le génie français. Suivant l’expression même d’un espérantiste, il s’agit de créer la séparation de la langue et de la patrie. L’Espéranto devient donc l’instrument d’action d’un internationalisme systématique, ennemi des langues nationales et de toutes les pensées originales qui expriment leur développement.

Ces données aident à comprendre l’intérêt que certains groupements suspects attachent à l’Espéranto et l’intensité de la propagande que leurs adeptes, conscients ou non, déploient en faveur de son enseignement officiel et obligatoire. Il n’y a pas lieu, naturellement, de mettre en doute la bonne foi de nombreux Français, souvent éminents, qui n’ont jamais vu en l’Espéranto qu’un instrument pratique de correspondance.

Pour ces diverses raisons, je vous prie d’attirer l’attention des parents et des élèves des établissements qui sont placés sous votre autorité sur la propagande espérantiste. Vous vous attacherez à leur démontrer, en revanche, l’importance et le caractère indispensable de l’étude des langues vivantes pour la formation des jeunes Français. Je vous prie également d’avertir les professeurs et les maîtres d’avoir à s’abstenir de toute propagande espérantiste auprès de leurs élèves. Vous inviterez les chefs d’établissements à refuser d’une manière absolue le prêt des locaux de leurs établissements à des associations ou des organisations qui s’en serviraient pour organiser des cours ou des conférences se rapportant à l’Espéranto.

Je vous prie de m’accuser réception de la présente circulaire.

Léon BERARD »

La circulaire Jean Zay (1938)

L’interdiction française est annulée en 1924 par le gouvernement d’Édouard Herriot.

L’intérêt de son application dans diverses sphères d’activités est argumenté à l’occasion d’une conférence internationale qui se tient à Paris en 1937 dans le cadre de l’Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne. Il en résulte que le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay estime souhaitable d’en faciliter l’étude. Son enseignement est admis dans le cadre des activités socio-éducatives par une circulaire ministérielle du 11 octobre 1938 dont le texte est toujours valide.

« Lettre du ministère de l’ÉDUCATION NATIONALE - Direction Générale de l’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE (3e Bureau) et Direction de l’enseignement du Second Degré (1er Bureau)

Le ministre de l’ÉDUCATION NATIONALE

à Messieurs les RECTEURS.

Mon attention a été appelée, à diverses reprises, sur l’intérêt que présente, dès maintenant, et que présentera davantage encore dans l’avenir, la connaissance de l’espéranto, langue auxiliaire susceptible de faciliter les relations aussi bien entre les intellectuels qu’entre les commerçants et les techniciens des diverses Nations.

J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il me parait souhaitable de faciliter le développement des études espérantistes. Certes, il ne peut être question de donner à l’enseignement de l’espéranto une place dans les horaires des études obligatoires de nos Établissements d’enseignement du second degré et dans nos Écoles techniques. Mais si des cours facultatifs d’espéranto peuvent être institués, je n’y verrai que des avantages. On peut l’admettre aux loisirs dirigés.

Je vous serais obligé de porter ces instructions à la connaissance des Chefs d’Établissement scolaire de votre académie.

Le Directeur de l’Enseignement
technique
Hippolyte Luc

Par autorisation
Le Directeur du Second Degré
xx Chatenet »

Pour lire un extrait du livre L’homme qui a défié Babel (page 314), cliquer ici.
Visitez le site de la récente pétition pour l’espéranto en option au baccalauréat, parrainée par Albert Jacquart.
Réécoutez l’émission Affaires sensibles sur France Inter consacrée à Jean Zay, l’oublié de la République.

La circulaire du 11 octobre 1938 (PDF - 3.1 Mo)


du ministre de l’éducation nationale à Messieurs les recteurs