Lu, vu, écouté
« Kvazaŭ ĉio dependus de mi » de Trevor Steele
Esperanto-Aktiv n° 107 - décembre 2019
Au crépuscule de sa vie Erich Schwalbe, un allemand installé en Australie, entreprend de raconter l’histoire de son ami Kurt Lenz.
Cette amitié indéfectible commence à Hambourg, sur les bancs de l’école, au début du XXe siècle. Erich dont le père est réactionnaire et nationaliste rencontre Kurt, issu d’une famille prolétaire et social-démocrate. D’emblée, Erich admire cet adolescent au bégaiement prononcé qui revendique, avec un talent d’écrivain remarquable, ses engagements en tant que pacifiste, socialiste, athée et libre penseur. Renforcé dans ses convictions au sortir de la Grande Guerre Kurt, qui a épousé la soeur d’Erich, rêve de devenir journaliste.
Tour à tour engagé comme critique littéraire, rédacteur du bulletin La Monadistoj puis secrétaire du mouvement pour la paix, sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’il devient rédacteur en chef de la prestigieuse revue Novaj folioj à Berlin. Infatigable observateur et analyste de la vie politique allemande, il mettra alors toute son énergie pour contrer l’inexorable montée du national-socialisme en écrivant des articles au ton acerbe et ironique. En 1934, après l’accession d’Hitler au pouvoir et la nuit des longs couteaux, alors que sa vie et celle de son journal sont menacées, Kurt le militant refuse de fuir et déclare : « Peut-être suis-je trop influencé par Kant... mais je dois agir, comme si tout dépendait de moi ». Incarcéré et torturé dans les geôles nazies, Kurt Lenz paiera de sa vie son indéfectible engagement….
Ce livre est un hommage, une fiction librement inspirée de la vie de Carl von Ossietzky, journaliste, écrivain et intellectuel pacifiste allemand, prix Nobel de la paix au titre de l’année 1935 pour ses publications. Une vraie révélation pour moi – je n’en avais jamais entendu parler - et qui conforte mon opinion sur l’espéranto et sa littérature originale : d’incomparables outils de découverte !
Trevor Steele nous livre donc un roman fort, très bien documenté du point de vue historique et qui nous interroge tant sur nos engagements que sur nos renoncements…”kvazaŭ ĉio dependus de mi” ! Une petite phrase tel un message qui fait écho quelle que soit l’époque, le contexte politique, social et économique. Une petite phrase facilement déclinable du singulier au pluriel : kvazaŭ ĉio dependus de ni !
Marjan
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