Découverte
D’autres projets de langues construites
Esperanto-Aktiv n° 107 - décembre 2019
L’espéranto n’est pas la seule langue construite, il existe des milliers d’autres langues qui ont vu le jour pour différentes raisons, que ce soit un gag, un projet ambitieux ou même des langues qui sont utilisées comme langues officielles.
Langues historiques
Avant l’arrivée de l’espéranto, de différents projets avaient vu le jour, comme le solresol, publiée en 1866 par François Sudre et qui permet, grâce aux 7 notes de la gamme, d’écrire des mots. D’autres alphabets peuvent remplacer les notes de musique, comme des couleurs ou des chiffres.
Le solresol fait partie des langues construites dites « a priori », c’est-à-dire les langues ne s’inspirant pas d’une langue naturelle.
Le groupe Facebook de Solresol tente de faire vivre cette langue. Vous pourrez y trouver une grammaire de la langue, des images humoristiques, etc.
Le volapük, inventé par le prêtre allemand Johann Martin Schleyer, est sorti quelques années avant que Zamenhof ne diffuse son projet. Après en avoir pris connaissance, Zamenhof trouva au volapük un certain nombre de défauts, ce qui lui permit d’améliorer son propre projet de langue. D’ailleurs, le premier congrès de volapük se déroula en allemand, car les participants étaient incapables de communiquer en volapük.
Volapük signifie « langue mondiale » (vol étant construit sur la racine world et puk sur speak). Aujourd’hui, on compte quelques dizaines de locuteurs qui échangent en ligne sur différents groupes dont le groupe Facebook Volapük.
Dérivés de l’espéranto
L’ido a été inventé en 1907 par Louis de Beaufront, dans un contexte où une réforme de l’espéranto devait être discutée. La création d’un « projet concurrent » a engendré des tensions entre les défenseurs de l’espéranto et ceux de l’ido.
L’ido est plus « européenne » que l’espéranto et ne possède pas de lettre accentuée. Par exemple, « mère » se dit « matro ». Elle peut être, par certains aspects, plus facile à apprendre que l’espéranto pour des Européens et donc plus difficile pour des non-européens. On trouver des groupes en ligne de locuteurs, dont un pourcentage non négligeable parlent également l’espéranto.
Principaux concurrents de l’espéranto
L’interlingua a été élaborée par l’International Auxiliary Language Association (IALA), de 1924 à 1951. Son vocabulaire est issu des langues romanes et de l’anglais. On trouve aujourd’hui des revues, des livres en interlingua, et des associations d’interlingua. La langue, qui reprend les irrégularités des langues naturelles, ne possède pas de règles de construction régulières comme l’espéranto et impose donc d’apprendre l’ensemble de son vocabulaire.
Notre Père en interlingua
Nostre Patre, qui es in le celos,
que tu nomine sia sanctificate ;
que tu regno veni ;
que tu voluntate sia facite
super le terra como etiam in le celo.
Da nos hodie nostre pan quotidian,
e pardona a nos nostre debitas
como nos pardona a nostre debitores,
e non duce nos in tentation,
sed libera nos de malo.
Le Pandunia est une langue relativement jeune qui a les mêmes ambitions que l’espéranto. Elle tire ses racines d’une plus grande variété de langues que l’espéranto. Elle a vu le jour en 2005 par le Finlandais Risto Kupsala. Elle est parlée aujourd’hui quotidiennement par quelques centaines de locuteurs, notamment sur Facebook (pandunia), sur Reddit (r/pandunia), sur Telegram et même sur YouTube.
Langue idéographique
Le Bliss, inventé par Charles K. Bliss en 1942, est langage symbolique servant à communiquer avec des enfants hospitalisés en situation de handicap physique. Les enfants muets ou paralytiques peuvent communiquer en Bliss en utilisant une tablette devant eux et en assemblant des symboles de base.
« Je voudrais aller au cinéma », en Bliss :
Le premier symbole signifie « personne », le chiffre 1 indique qu’il s’agit de la première personne du singulier soit « je ». L’accent circonflexe sur le cœur indique un verbe pour dire « aimer », la vague verticale en diminue le sens pour dire « vouloir ». Le troisième symbole représente des pieds, soit « aller » sous sa forme de verbe. Le dernier symbole est « la maison où il y a des films ».
Langues de fiction
Le klingon est une langue écrite pour la série Star Trek. Elle s’écrit avec un alphabet spécial que l’on peut translittérer (c’est-à-dire écrire avec un autre alphabet), composé de majuscules et minuscules de l’alphabet latin.
Nuqneh = Que voulez-vous ? (se rapproche de « Bonjour ».)
Heghlu’meH Qaq jajvam = C’est un bon jour pour mourir.
Le Klingon language Institute donne des cours de klingon. On peut trouver en klingon une traduction d’Hamlet et de L’Épopée de Gilgamesh. Le site Duolingo propose également un cours de klingon pour les anglophones qui rassemble, au moment où nous écrivons cet article, 375 000 élèves.
On trouve de nombreuses autres langues de fiction dans des œuvres de science-fiction, par exemple Stargate, Le Seigneur des anneaux, Avatar, Game of Thrones, etc.
Projets humoristiques
Diego Maradani, journaliste et traducteur italien auprès de l’Union européenne, a inventé l’europanto, une manière de s’exprimer en mélangeant les principales langues d’Europe. Il n’existe pas de grammaire précise pour cette langue.
Langues étatiques
Différentes langues nationales ont été créées dans un laps de temps suffisamment court pour pouvoir être considérées comme des langues construites. On peut citer le bahasa indonesia, la langue nationale de l’Indonésie.
La plupart des Indonésiens ont comme langue maternelle une des dix langues régionales et apprennent le bahasa à l’école vers l’âge de 5 ans. Cette langue, issue du vieux malais, a été développée entre 1930 et 1945 (date de l’indépendance de l’Indonésie).
L’hébreu moderne et l’hébreu biblique sont des langues relativement éloignées l’une de l’autre. L’hébreu a connu sa renaissance grâce à Eliézer Ben Yehoudah.
Autres Projets
Le toki pona est une langue composée uniquement de 123 mots, issus de la philosophie taoïste qui prône la simplicité.
Chaque mot peut avoir différents sens voisins. Par exemple, « pona » signifie « bon » ou « simple »... car ce qui est simple est bon.
« jan » signifie « personne », « jan pona » signifie « un ami ».
Notre Père en toki pona :
mama mije pi mi mute
mama pi mi mute o, sina lon sewi kon.
nimi sina li sewi.
ma sina o kama.
jan o pali e wile sina lon sewi kon en lon ma.
o pana e moku pi tenpo suno ni tawa mi mute.
o weka e pali ike mi. sama la o weka e pali ike pi jan ante.
o kama e ni : mi wile ala ike.
o lawa e mi tan ike.
tenpo ali la sina jo e ma e wawa e pona. Amen.
On peut trouver un livre écrit par la créatrice de la langue, Sonja Lang, sur Amazon, ainsi que des leçons gratuites de toki pona, par Laurent Vogel : http://lvogel.free.fr/tokipona/
Le lojban est une langue qui a commencé en 1987 et dont la construction a abouti en 1998 avec la parution d’un fascicule décrivant complètement la langue. Le nom de la langue est formé sur les mots logji (logique) et bangu (langage).
Le principe de base de la langue est d’être logique et d’éviter toute ambiguïté, ce qui en fait une langue qui peut non seulement être utilisée par des humains, mais également par des ordinateurs.
Le Petit Prince (chapitre 14) en lojban :
le mumoi plini cu mutce le ka cizra .i py cmalu traji fo le romei .i le canlu cu satci banzu le nu canlu le garna tergusni kujoi le tergusni cikygau .i le cmalu noltrube’a na snada le nu jimpe le du’u makau prali bu’u lo pagbu be le kensa re’o lo plini noi claxu lo’e zdani .e lo’e se xabju ku’o fi lo’e garna tergusni .e lo’e tergusni cikygau
La cinquième planète était très curieuse. C’était la plus petite de toutes. Il y avait là juste assez de place pour loger un réverbère et un allumeur de réverbères. Le Petit Prince ne parvenait pas à s’expliquer à quoi pouvaient servir, quelque part dans le ciel, sur une planète sans maison, ni population, un réverbère et un allumeur de réverbères.
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