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Le Docteur Louis-Lazare Zamenhof, ou « le Docteur Espéranto »

Biographie synthétique de Louis-Lazare Zamenhof, initiateur de l’espéranto.

Site multilingue zamenhof.life, commémorant le centième anniversaire de sa disparition, le 14 avril 1917.

Lejzer Ludwig (Louis-Lazare) Zamenhof est né le 15 décembre 1859 à Bialystok, ville située aujourd’hui en Pologne. Partagé par les puissances voisines, ce pays était alors rayé de la carte et faisait partie de la Russie tsariste.

Bialystok : une ville, quatre peuples

Bialystok était sur une terre disputée et opprimée, à un confluent d’ethnies et d’influences, dans la province balte de Lituanie, alors partie intégrante de l’Empire russe.

Dans cette ville peuplée alors d’environ 30 000 habitants, vivaient quatre communautés linguistiques : les Polonais 3 000 ; les Russes 4 000 ; les Allemands 5 000 ; les Juifs 18 000. Plusieurs langues étaient en usage : les classes intellectuelles parlaient surtout le polonais ; l’administration parlait russe ; dans les quartiers ouvriers l’allemand dominait ; dans le commerce c’était l’hébreu.

La maison natale de Zamenhof
 - Lorsqu’ils se rendaient à la ville faire leurs achats, les paysans parlaient plutôt le russe-blanc. Quant au russe, c’était la langue officielle. Les batailles étaient fréquentes et violentes. Ce spectacle d’affrontement et ce déchaînement de haine bouleversaient le jeune garçon, intelligent et sensible. Il comprenait déjà que l’impossibilité de communiquer entre les groupes jouait un grand rôle dans cette situation.

Sans aller jusqu’à penser que c’était la seule raison, il confia un jour à sa mère son désir de donner une langue commune à l’humanité pour rapprocher tous les hommes. Il n’était encore qu’un jeune adolescent.

La « Lingvo Internacia » de Doktoro Esperanto

Dès sa plus tendre enfance il se familiarise avec plusieurs langues. En 1874, à 15 ans, il commence un travail qui aboutira 4 ans plus tard à un premier projet qu’il présente à ses camarades lycéens. Ce premier essai ne lui paraissant pas satisfaisant, il se remet au travail, élabore un deuxième projet qui ne lui donne toujours pas entière satisfaction.

À l’âge de 28 ans, après 13 années d’un travail constant, de nombreux essais et plusieurs refontes, il publia le 26 juillet 1887 son premier manuel intitulé Lingvo Internacia de Doktoro Esperanto (Langue Internationale du Docteur Espéranto). Ce mot, Esperanto , est le pseudonyme de l’auteur, et veut dire, en Langue Internationale, « celui qui espère ». Esperanto est le participe présent du verbe espérer, esperi en espéranto.

C’est la version de base proposée de la langue qui va ensuite évoluer, se consolider, et devenir une vraie langue vivante, puisque parlée et pratiquée aujourd’hui dans plus de 100 pays sur les cinq continents.

Les débuts

Comme nous le savons, c’est sous le nom d’espéranto que la Langue Internationale s’est développée par la suite.

Zamenhof parlait au moins une douzaine de langues. Il maîtrisait fort bien le russe, (sa langue maternelle), le polonais, l’allemand, l’hébreu, le yiddish. Il avait une bonne connaissance du latin, du grec, de l’anglais, du français, assez bonne du volapük, de l’italien, et sans doute de l’araméen.

Premier écrivain et poète de la communauté espérantophone, Zamenhof s’est d’abord essayé sur des traductions. En linguiste avisé et visionnaire — alors qu’il n’était pas linguiste de formation - il comprit très tôt que le succès et la réussite d’une langue internationale sont liés à la possibilité de parler cette langue et de l’utiliser dans la vie pratique.

Ce n’est pas un problème de linguistique qu’a cherché à résoudre le jeune lycéen polonais, mais un problème humanitaire ; laissons le s’exprimer :

« Si je n’étais pas un juif du ghetto, l’idée d’unir l’humanité ou bien ne m’aurait pas effleuré l’esprit, ou bien ne m’aurait pas obsédé si obstinément pendant toute ma vie. Personne ne peut ressentir autant qu’un juif du ghetto le malheur de la division humaine. Personne ne peut ressentir la nécessité d’une langue humainement neutre et anationale aussi fort qu’un juif, qui est obligé de prier Dieu dans une langue morte depuis longtemps, qui reçoit son éducation et son instruction d’un peuple qui le rejette, et qui a des compagnons de souffrance sur toute la terre, avec lesquels il ne peut se comprendre... Ma judaïcité a été la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée et à un rêve essentiel, au rêve d’unir l’humanité... ».

(Leteroj de Zamenhof, n° 92, page 105, lettre du 21 février 1905 à Alfred Michaux, Ed. SAT 1948).

Ailleurs, il affirme : « Les hommes sont égaux : ce sont des créatures de la même espèce. Ils ont tous un cœur, un cerveau, des organes générateurs, un idéal et des besoins ; seules la langue et la nationalité les différencient (...) L’idée à la réalisation de laquelle j’ai consacré toute ma vie se fit jour en moi dans les toutes premières années de mon enfance (...) Je ne me souviens pas à quel moment, mais il y a longtemps que j’ai acquis la conviction qu’une langue internationale ne peut être qu’une langue neutre, et non celle d’une nation... » .

En humaniste éclairé, il donna à sa langue une âme, une vie, la souplesse suffisante pour qu’elle puisse évoluer avec les besoins de la société, comme doit le faire toute véritable langue vivante.

C’est donc vers la formule du troisième groupe qu’il s’est orienté, en construisant sa langue de manière logique sur des racines et des structures existantes et utilisées par les langues vivantes des groupes indo-européens.

Il prévoyait déjà l’échec du volapük alors que ce dernier connaissait un développement croissant et rapide au moment où il lançait sa première brochure en donnant la raison de l’échec certain du Volapük ; en effet, dans la Langue de Zamenhof, il est toujours possible d’identifier l’origine des lexèmes, d’en comprendre immédiatement le sens ; ils sont presque toujours passés d’une langue à l’autre sans changement. En prophète idéaliste et visionnaire, il a prévu, tel que nous le connaissons aujourd’hui, le développement de sa langue.

Profondément humain, Zamenhof a pratiqué sa profession d’oculiste dans des milieux très pauvres, près de la Mer Noire (Kherson), puis en Lituanie (Grodno), avant de s’installer à Varsovie. Il est décédé à l’âge de 58 ans, le 14 avril 1917 à Varsovie.

L’évolution de sa langue, lente mais constante, sur les cinq continents et dans plus de 100 pays dans le monde aujourd’hui, est bien conforme à sa pensée et à ce qu’il écrivait en 1887 : « Que je vive ou que je meure, que je conserve ou que je perde mes forces physiques et intellectuelles, la Langue Internationale est désormais étrangère à tout cela, de même que le sort d’une langue vivante est étranger aux vicissitudes survenant dans la vie de telle ou telle personne ».

Il était alors âgé de 28 ans. Il comprit, dès le lancement de sa langue, que celle-ci devait être la propriété de l’humanité, mais jamais appartenir à un groupe, à une personne, à une association, à une nation. Il utilise pour la réalisation de sa langue son amour illimité pour l’Homme et l’Humanité, où il puisa toutes les forces de son esprit et de son corps.

Les propos qui suivent sont extraits et résument les thèmes de l’exposé de Zamenhof extraits de sa thèse « Essence et Avenir de l’Idée de Langue Internationale », présentée en 1900 à Paris lors de l’Exposition Universelle, au Congrès de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences :

  • l’adoption d’une langue internationale apporterait un grand bienfait à l’Humanité,
  • l’adoption d’une langue internationale est tout à fait possible,
  • tôt ou tard l’adoption d’une langue internationale sera effective, quelles que soient les positions routinières contre cette idée,
  • comme internationale, jamais une autre langue qu’une langue construite ne sera choisie,
  • comme internationale, jamais une autre langue que l’Espéranto ne sera choisie.

Dans toutes ses réalisations, Zamenhof mit tout son cœur et toute son intelligence. Les grandes œuvres traduites dans la Langue Internationale font partie de celles qui honorent l’humanité. Elles ont permit en outre à Zamenhof de faire en même temps la démonstration de la solidité et de la souplesse de la Langue, son adaptation à toutes les formes de la pensée et de l’expression dans toutes les activités de la vie.

C’est en effet par la littérature que la Langue a acquis sa perfection linguistique, qu’elle est devenue un véhicule culturel. Plutôt que d’élaborer une grammaire détaillée, Zamenhof a préféré traduire, sur la base de la grammaire fondamentale, autant de chefs-d’œuvres qu’il le pouvait.

L’espéranto est une œuvre de jeunesse sans doute fortement influencée par tout l’environnement humain, culturel, spirituel, sociologique et politique de cette époque et de cette région de l’Europe.

Zamenhof est né dans un milieu hébraïque très cultivé, au sein d’une atmosphère en même temps humaniste et athée, dans une ville qui était le centre culturel et spirituel influencé par son appartenance au mouvement juif cultivé, qui participait à ce que l’on appelle chez nous la « Philosophie des Lumières, le Rationalisme éclairé », que la langue allemande désigne par l’expression « Aufklärung », en hébreu, et sans doute en yiddish par « Haskala », traduit en Langue Internationale par « Klerismo ». Toute son œuvre, toute sa pensée, seront ou dictées ou influencées par cette origine sociale et culturelle.

Œuvre de jeunesse, imaginée et structurée par un adolescent, concrétisée par une jeune homme. Dans la période allant de 1874, début des travaux de Zamenhof, au 26 juillet 1887, date de publication du premier manuel, on distingue les étapes suivantes :

  • 1874 : début des travaux de Zamenhof ; il est agé de 15 ans ;
  • 1874 à 1878 : présentation et essais du premier projet. Zamenhof a 19 ans ;
  • 1878 à 1881 : préparation et mise en place du deuxième projet. Zamenhof a 22 ans ;
  • 1881 à 1887 : plusieurs refontes qui aboutissent au projet définitif ;
  • le 26 juillet 1887, publication du premier manuel en russe ; puis publication des manuels en polonais, en allemand, en français. Zamenhof est âgé de 28 ans.

Après un travail de construction, d’essais, durant 13 ans, puis la publication de 1887, Zamenhof se consacrera désormais à faire vivre sa langue qui très vite se répand en Europe puis dans le monde. Le premier congrès universel de Boulogne-sur-Mer du 5 au 13 août 1905 a réuni 688 participants de 20 pays ; il a été présidé par Zamenhof. C’est la consécration.

Au cours du congrès sont jetées les bases du développement et de la vie de la Langue ; c’est l’adoption de la Grammaire Fondamentale d’Espéranto ( Fundamento de Esperanto ), de la Déclaration sur l’Espérantisme, la création du Comité Linguistique qui donnera naissance à l’Académie d’Espéranto en 1908.

Les congrès universels vont se succéder ; ils seront interrompus par les deux grandes guerres mondiales. L’organisation des congrès reprendra en 1920, puis en 1947, sans jamais s’interrompre jusqu’à nos jours. La Langue est désormais présente sur les cinq continents et va, malgré les vicissitudes, se développer et progresser jusqu’à la situation que nous lui connaissons aujourd’hui.

La vie de Zamenhof

Revenons en arrière dans la vie de Zamenhof, en 1882, 1883 ; le 13 Juin 1882, première tentative de Zamenhof de la création à Varsovie du premier groupe sioniste avec des camarades étudiants en réaction contre les pogromes anti-juifs en Russie et en Pologne provoqués après l’assassinat du Tsar Alexandre II le 13 Mars 1881.

Le 18 Août 1883, avec 15 jeunes étudiants juifs de Varsovie il fonde l’association sioniste « ibat-Cion », (Cion-Amantoj - Les Amoureux de Sion), dont il fut le créateur et le pionnier très engagé. Une telle organisation n’était pas légale, elle devait être cachée, elle impliquait des risques considérables pour ses membres, et surtout ses responsables. De 1884 à 1901 il prend ses distances du mouvement pour s’en soustraire définitivement. Il écrit à ce sujet : « ... ensuite, j’ai abandonné ce travail, car j’ai pensé que la manifestation d’un patriotisme national, chez les Juifs, pourrait être néfaste à eux-mêmes et à l’unification de l’humanité (...) Après un certain temps, je compris que cette idée ne pouvait conduire à rien et je le rejetais, bien qu’elle demeurât pour moi un rêve très cher et agréable, mais irréalisable... ».

(Leteroj de Zamenhof, n° 92, pp.105, 108, lettre du 21 Février 1905 à Alfred Michaux, Ed. SAT 1948).

Il décide, dès lors, de se consacrer entièrement à sa langue.

Durant cette période tourmentée, Zamenhof étudie le yiddish dont il construit la première grammaire actuellement déposée à la bibliothèque de Tel-Aviv.

Dans l’œeuvre de Zamenhof, les traductions d’œuvres maîtresses de la littérature mondiale présentent la partie la plus importante et la plus décisive pour la fixation et le devenir de la Langue, en démontrant toute sa souplesse et toutes ses possibilités.

Œuvres originales et traductions de Zamenhof

Parmi les premières traductions de Zamenhof :

  • La Bataille de la Vie, de Dickens (1891) (la première traduction).
  • Hamlet, de Shakespeare (1894).
  • Fundamenta Krestomatio (1903).
  • Revizor, de Gogol, (1907).
  • La Sainte Bible (1907, 1908 et 1909). (extraits).
  • Iphigénie en Tauride, de Goethe ( 1908).
  • George Dandin, de Molière (1908).
  • Les brigands, de Schiller (1908).
  • Les Proverbes, de Salomon (1909).
  • Marta, de E. Orzeszko (1910). (Auteur polonais).
  • Les Contes d’Andersen (en trois éditions : vol I, 1923 ; vol II, 1926 ; vol III, 1932 ; vol IV, 1963).
    - L’Ancien Testament (revu par le Comité biblique en 1926).

Consultez le site multilingue consacré à Zamenhof : zamenhof.life !

Plusieurs événements ont commémoré en 2017 le centenaire de son décès :