Lu, vu, écouté ce mois-ci
« Pulsas la viv’ », de Lucija BORČIĆ
Esperanto-Aktiv’ n° 65 – janvier 2016
Il s’agit d’un recueil de courts textes qui se présentent comme des poèmes, écrits entre 1977 et 2001, faciles à lire, bien présentés, chacun ayant droit à une page.
Lucija Borčić est très connue des espérantistes en Croatie où elle est née en 1921 à Vis, petite île de la côte dalmate, où son père était pêcheur. Elle a participé à des congrès internationaux d’espéranto (mi kongresis en Skotlando, p.50), évoque son fameux compatriote Lapenna (La Unua aŭ la Dua, p.65), mais aussi, très joliment, dans Tibor-monde p.27, une autre célèbre personnalité qui a quitté Zagreb pour parcourir le monde :
Al Tibor Sekelj
Mara groto./ Ĉu pagodo ?/ Tra l’plafontru’/ dum matenfru’/ lum’ engvatas,/ min persvadas/ tratuneli/ al idili’/ En silenta/ bril’arĝenta/ mi nun naĝas,/ mi kunalgas/ ĉi rotonde/ Tibor-monde.
Son île, Vis, semble un petit paradis, pauvre mais riche de l’entraide entre voisins, de la beauté de la nature : la mer, les falaises, le pin gigantesque sous l’ombre duquel on prend le café ou répare les filets de pêche, même si parfois de rares touristes y pique-niquent. Le matin est la meilleure heure : Mateno virge odoras/ aŭrore ekgemas/ sukcenas,/ rubenas. Et avril la meilleure saison, quand fleurit la giroflée (sin elvolvas la levkojo/ brune flave en veluro), paradent les iris ou plus modestement la sauge (pompas blue la irido,/ blumodestas la salvio), odorifèrent les lauriers-roses et les acacias plus opiacés. Voici les caroubiers, les oliviers, les figuiers et la vigne, les grenades inspirant à un ami peintre des pastels différents chaque année pour transmette ses vœux. Elle observe les goélands, les bernacles. Collectionne les galets. Rarement est utilisé un mot ignoré des dictionnaires, et des brochures d’André Cherpillod, mais l’un d’eux vient directement du latin « smaragdus », l’émeraude : Tra la pinverdo/ la marvasto/ akvamarinas/ dum tutapude/ la marprofundo/ onde smaragdas (p.31).
Arrivent des drames tout de même : un incendie dans le petit golfe, activé par le vent et contre lequel il ne faut attendre aucune aide extérieure, mais combattre avec les mains, les plaids (les couvertures). Le facteur qui fait sa tournée sac au dos à travers karst et maquis, est happé par une vague un après-midi où il pêche du haut de la falaise. La guerre en Bosnie est évoquée d’une seule phrase, p.120, par le biais du soutien moral apporté par les lettres d’amis espérantistes.
La dernière partie est consacrée davantage à la mélancolie de la vieillesse. L’auteur sent la mort prochaine, qui est arrivée récemment, le 14 novembre 2015. Mais elle insiste surtout sur le bonheur sensuel de vivre sur une île, sur les odeurs, pour elle la vie est semblable à des bulles de champagne et son désir de paix rejoint le nôtre. Ce n’est certes pas une poésie érudite, mais une bouffée de Croatie et de nostalgie.
Le livre Pulsas la viv’ (128 pp.) de Lucija BORČIĆ a été édité par Internacia Kultura Servo (Zagreb) en 2001.
Pour vous le procurer, vous pouvez contacter Espéranto-France, butiko@esperanto-france.org.
À noter que l’album de Tintin, La Templo de l’ Suno , est toujours disponible auprès de la boutique d’Espéranto-France, au prix de 12,50 € (+3,50 € de port).
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