« La Monto », d’István Nemere
Esperanto-Aktiv n° 102 - juin 2019
Quelques années après la fin d’une guerre qui a ravagé son pays, le commandant Reman est envoyé à la recherche de quatre jeunes soldats disparus lors d’une mission de reconnaissance dans la montagne. Son enquête le mène dans un village isolé, perché à plus de 1000 mètres d’altitude et habité par une communauté d’une vingtaine de personnes. Accueillants mais silencieux, ces montagnards pacifiques vivent en complète autonomie sans contacts, ou presque, avec le monde extérieur. Reman acquiert très vite la conviction que les jeunes soldats ont séjourné dans cette communauté et n’en sont jamais repartis. Que sont-ils devenus ? Le commandant décide de découvrir la vérité sur leur sort...
Contrairement à ce que suggère ce petit résumé, La Monto est bien plus qu’un roman policier. En effet, István Nemere y introduit, en filigrane, des thèmes philosophiques et sociologiques à la portée universelle, ce qui rend ce petit roman écrit à la fin des années 1970 encore incroyablement actuel.
Ainsi l’auteur s’interroge-t-il sur les fondements même d’une vie en société : faut-il vivre “hors du monde” pour être libre ? Peut-on choisir sa fin de vie ? L’homme est-il intrinsèquement violent ? Est-il possible de construire une société solidaire, pacifique, respectueuse de son environnement ? Est-il possible de se comprendre, de s’accepter mutuellement au delà de nos différences ?
Toutes ces questions sont portées par le personnage principal : le commandant Reman. Etranger à cette communauté “d’en haut”, il y porte d’abord un regard d’ethnologue en s’efforçant de comprendre leur mode de vie avant de remettre en question son propre monde, celui “d’en bas”.
“L’homme s’efforce d’aller en haut, éternellement en haut, nous tous sommes des grimpeurs de montagne...oui, on doit toujours aller en haut quitte à grimper sur les épaules des autres, des chefs, des guides, des présidents, des rois, en haut, toujours en haut...nous nous construisons des montagnes d’armes, d’argent, de livres, d’expérimentations, on doit atteindre le sommet... Y sommes-nous vraiment obligés ?” s’interroge métaphoriquement Reman à la fin du roman.
Reman qui, une fois son enquête résolue et ces convictions ébranlées, fera cependant le choix de rejoindre son monde.
István Nemere se garde bien de nous apporter un jugement définitif mais nous interroge sur le déterminisme social et notre capacité de choix de vie individuelle et collective.
Non sans humour, il nous rappelle aussi les limites imposées à n’importe quelle vie en société : le seul homme qui grimpe sur la montagne régulièrement est... le collecteur des impôts... à méditer !
La monto, d’István Nemere, Hungara Esperanto-Asocio - Budapest,1984
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