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Échec et Mat pour l’espéranto

Espéranto Aktiv’ : Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

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Sonja Lang : Je suis une créatrice de langues, qui vient de déménager de Singapour à Toronto, Canada. Beaucoup de personnes me connaissent par la langue Tokipona. Mon livre sur le Tokipona, Toki Pona : la langue du bien s’est vendu à quelques milliers d’exemplaires.

Chuck Smith : Bien sûr ! Je suis Chuck Smith, fondateur du Wikipédia en espéranto, du cours d’espéranto sur le site Duolingo et du réseau social Amikumu. Je suis originaire des États-Unis, j’habite à Berlin en Allemagne.

Espéranto Aktiv’ : Quand et comment avez-vous découvert l’espéranto ?

Sonja Lang : J’ai découvert l’espéranto quand j’étais très jeune. Mon père disait en se moquant que c’était la langue internationale que personne ne parle. Donc, quand j’ai eu 16 ans, je l’ai apprise, un peu comme une blague. Néanmoins, rapidement, j’ai constaté qu’elle était très facile et très utile pour prendre contact avec d’autres personnes à travers le monde. J’ai gagné beaucoup d’amis durant mes voyages grâce à l’espéranto. J’ai même travaillé comme interprète pour le conseil de l’Europe pendant un séminaire d’espéranto.

Chuck Smith : Pendant que j’étudiais à l’université, j’ai participé à un cours sur l’intelligence artificielle. J’ai rédigé un essai sur comment les ordinateurs peuvent apprendre des langues. En faisant mes recherches, j’ai découvert un système qui traduisait en utilisant l’espéranto comme langue intermédiaire. J’ai d’abord pensé qu’il serait tout à fait pertinent d’enseigner l’espéranto aux ordinateurs, car c’est une langue beaucoup plus logique, mais je croyais que c’était une langue stupide pour les humains. J’ai ensuite trouvé un cours gratuit par internet et le Pasporta Servo et je me suis dit « Bon, je vais apprendre cette langue. Si c’est une idiotie, j’aurai perdu une demi-heure... et sinon, je pourrai m’ouvrir un tout nouveau monde. » Et vous savez donc ce qui s’est passé...

Espéranto Aktiv’ : Quand et comment avez-vous découvert le jeu d’échecs ?

Sonja Lang : J’ai découvert les échecs en étant émerveillée par les pièces du jeu à la maison. Personne de ma famille n’y jouait sérieusement, mais ils appréciaient le plateau et les pièces comme objet de décoration. J’étais une joueuse plutôt aguerrie dès l’âge de 14 ans, en comparaison des autres jeunes de mon âge. J’ai à peine joué entre 20 ans et 40 ans. Maintenant que j’ai dépassé la quarantaine, je m’y intéresse à nouveau, pour pouvoir travailler mes capacités cérébrales. Ma grand-mère faisait des mots croisés jusqu’à un âge avancé et elle était toujours mentalement très vive. De manière similaire, j’espère donc exercer mon intellect au moyen des échecs et ne jamais abandonner.

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Chuck Smith : Quand j’avais 8 ans, j’ai logé dans un hôtel avec mes parents. Là, mon père a trouvé un petit jeu d’échecs de voyage et m’en a enseigné les bases. Dès la première fois, j’ai beaucoup aimé ce jeu ! Pendant un été, j’ai joué dans le club municipal de Harrisburg en Pennsylvanie et j’ai participé là-bas à des tournois. J’avais un niveau USCF (fédération américaine des échecs) de 1466 elo (parties longues) et 1506 elo (parties rapides). Voici mon historique complet :http://www.uschess.org/msa/MbrDtlTnmtHst.php?12773325

Espéranto Aktiv’ : Vous participez actuellement à des tournois d’échecs. Comment fonctionnent ces tournois ?

Chuck Smith : Sur le site « lichess », il y a actuellement deux types de tournois. Un tournoi a été créé pour maximiser l’amusement des joueurs en ligne. C’est pourquoi il rassemble automatiquement en paire les joueurs qui attendent de jouer, mais ce n’est pas très équitable. Il possède aussi des aspects étranges comme doubler les points à la troisième victoire consécutive et on peut diviser par deux le temps de jeu pour augmenter sa valeur. Plutôt étrange, mais néanmoins amusant. L’autre format est le tournoi « suisse », qui est le même que ceux qui sont organisés dans les tournois officiels. Il y a ainsi un nombre spécifique de rounds et le système rassemble en paire les joueurs de même niveau. Ainsi on attend plus longtemps entre les rounds, mais le plus fort des joueurs gagnera plus vraisemblablement le tournoi.

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Espéranto Aktiv’ : Vous faites partie de l’équipe « espéranto », pouvez-vous nous décrire cette équipe ?

Chuck Smith : En fait, on ne joue pas vraiment comme une équipe, mais c’est plutôt un groupe de personnes qui jouent ensemble. On utilise cette « équipe » pour être sûr qu’il n’y aura que des espérantistes qui jouent dans notre tournoi. Par exemple, quand on organise un tournoi, on a l’habitude de l’annoncer sur le groupe de lichess, sur Telegram, Facebook et eventoj.hu. On touche ainsi un grand nombre d’espérantistes à chaque fois.

Espéranto Aktiv’ : Ces derniers mois, beaucoup de personnes restaient chez eux. Qu’est-ce qui a changé dans les tournois ?

Chuck Smith : Il y a quelques années, nous avons organisé des tournois d’échecs, mais ils n’étaient pas très populaires. Cependant, à cause de l’épidémie de COVID, nous avons décidé d’en organiser à nouveau, car nous étions de toute façon confinés à domicile. Et ça a considérablement bien marché ! Mais maintenant que les gens peuvent plus facilement sortir de chez eux qu’avant, les tournois, de nouveau, n’attirent pas beaucoup de monde.

Espéranto Aktiv’ : Est-il possible de s’inscrire à l’équipe « espéranto » sur Lichess ? Quels genres de joueurs sont acceptés ?

Chuck Smith : Oui, bien sûr, tout le monde peut s’inscrire et nous accueillons tous les joueurs, quel que soit leur niveau !

Espéranto Aktiv’ : Est-ce que vous avez l’occasion de jouer aux échecs avec d’autres espérantistes lors de congrès « réels » ?

Chuck Smith : Cela m’est déjà arrivé de jouer avec un autre joueur, mais ce n’était pas vraiment organisé. J’ai entendu dire que de tels tournois étaient organisés, mais je ne suis pas vraiment au courant. Il y a quelques années, j’ai organisé un tournoi de Poker pendant l’Internacia Seminario quand le poker était au paroxysme de sa popularité en Allemagne.

Espéranto Aktiv’ : Est-ce que vous connaissez des associations espérantistes d’échecs ?

Chuck Smith : Je sais qu’il existe une telle association chez UEA, mais je ne suis pas vraiment au courant... D’après ce que j’en sais, cette association n’est pas très active.

Espéranto Aktiv’ : Est-ce que vous jouez à d’autres jeux que les échecs ?

Sonja Lang : Pendant quelque temps, je jouais à d’autres jeux, comme « Hearthstone », mais ces types de jeux coûtent cher et les joueurs sont dépendants des éditeurs du jeu en ligne, qui font souvent des changements dans le jeu. Au contraire, les échecs sont un jeu plus noble. Tout comme l’espéranto, les échecs existeront toujours. Un jeu « classique » est un jeu universel et stable. Les amateurs peuvent y jouer, quel que soit leur âge, leur sexe, leur pays ou le niveau des joueurs.

Chuck Smith : Bien sûr ! Parmi les différentes variétés d’échecs, mon préféré est le Shōgi, également appelé échecs japonais. C’est très intéressant, car quand on attrape une pièce, au lieu de la faire disparaître, on l’intègre dans sa propre armée et on peut la faire tomber sur le plateau au tour suivant ! Donc, à chaque fois que l’on échange une pièce dans les échecs occidentaux, le jeu se simplifie, alors que dans la version japonaise... il se complexifie !
De plus, j’aime beaucoup les jeux vidéos, principalement ceux qui sont anciens. J’ai même récemment créé une chaîne YouTube qui s’appelle « RG Geek » https://www.youtube.com/channel/UCJlNM6eK5Q91gE5haheSLTQ (mais qui est en anglais). Dans les jeux vidéos les plus récents, j’aime beaucoup jouer à Rocket League sur PlayStation 4. Si je peux en profiter pour faire un peu de publicité, j’aime aussi créer des jeux et récemment, j’ai sorti un nouveau jeu pour iPhone et iPad appelé « What the Shell ». Ce jeu de stratégie a ceci d’unique que l’on joue en même temps que son adversaire et qu’il est également possible de l’attraper. C’est une expérience assez dingue et si vous souhaitez le télécharger, vous pouvez vous rendre sur https://ludisto.com/eo/app/what-the-shell-3/

Espéranto Aktiv’ : Ces derniers mois, beaucoup de personnes sont restées chez elles. Qu’est-ce qui a changé dans les tournois ?

Sonja Lang : Quand j’habitais à Singapour, j’ai joué dans des tournois officiels de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Mon niveau était similaire à celui d’un enfant doué. À cause de l’épidémie, tous les tournois des clubs d’échecs ont été annulés, vraisemblablement jusqu’en 2021. Ce qui a eu pour conséquence de voir une vague de joueurs sur les sites de jeux en ligne comme lichess.org ou chess.com. Il n’y a aucun niveau minimum requis pour jouer aux échecs. N’importe qui peut s’inscrire au groupe Espéranto qui est très actif sur Telegram, Lichess et Facebook. Les débutants sont les bienvenus. Moi-même, il m’arrive souvent de perdre, car pour moi, le but principal est de prendre plaisir et d’exercer mon cerveau. De même qu’on a besoin d’activités physiques pour entretenir son corps, de lieux de culte pour guérir son âme, on a besoin d’une activité intellectuelle comme les échecs ou une langue comme l’espéranto pour faire travailler son cerveau.

Espéranto Aktiv’ : Merci pour vos réponses.

Chuck Smith : De rien et merci à vous pour cet interview !