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Le Monde Diplo en espéranto

Depuis septembre 2002, l’espéranto fait partie de la trentaine de langues dans lesquelles est traduit le mensuel  Le Monde diplomatique. Pour son édition en espéranto, la collaboration avec ce journal international est assurée par Vilhelmo LUTERMANO, rédacteur en chef de l’édition en espéranto, Jeanne-Marie CASH, coordinatrice de l’équipe de traduction française, Thierry TAİLHADES, traducteur pour le français, et Mike LEON, traducteur pour le français et l’anglais. Esperanto Aktiv vous présente une interview croisée avec quelques-uns de ces contributeurs.

Le Monde Diplomatique en espéranto est accessible gratuitement en ligne : https://eo.mondediplo.com/

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Espéranto-Aktiv : Bonjour à tous !  Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, et nous dire comment vous avez rejoint l’équipe de rédacteurs du Diplo en espéranto  ?

Vilhelmo LUTERMANO

Vilhelmo LUTERMANO   : Répondre à cette question, c’est raconter toute la création du Diplo en espéranto.
Cela s’est donc passé ainsi : je traduisais d’habitude de la littérature allemande vers l’espéranto. Mais en février 2002 j’ai lu des articles du mensuel français Le Monde diplomatique, je les ai traduits et j’ai décidé que dorénavant ma tâche principale serait de traduire ces analyses intéressantes de l’actualité politique et culturelle. La même année j’ai signé un contrat avec la rédaction du Monde diplomatique selon lequel elle mettait à disposition un site pour une édition en espéranto et que je me chargeais de la traduction des articles en français. C’est ainsi que fin 2002 notre DIPLO est apparu sur le site http://eo.mondediplo.com
Je l’avais déjà annoncé au Congrès mondial de l’UEA à Fortaleza (Brésil), et plusieurs participants avaient annoncé leur participation.
Avec le temps, ce groupe de collaborateurs s’est beaucoup agrandi, mais... il est apparu que cette collaboration n’était que provisoire, et que très peu d’entre eux sont devenus des collaborateurs permanents. Un de ces collaborateurs permanents a même disparu sans laisser de trace, et bizarrement, nous n’avons jamais pu savoir ce qui lui était arrivé...

Jeanne-Marie CASH

Jeanne-Marie CASH  : Vers 2002 ou 2003, à un an de ma retraite, j’ai eu vent d’un projet de faire une édition du Monde diplomatique en espéranto. Je pratiquais la langue internationale depuis l’âge de vingt ans, et j’ai tout de suite eu envie de participer à cette aventure, d’autant que j’appréciais ce mensuel depuis mes années d’étudiante. J’ai donc commencé à traduire un article tous les deux mois, puis un peu plus à partir de ma retraite (janvier 2004), et jusqu’à 4 articles par mois...

Thierry TAİLHADES

Thierry TAİLHADES  : Je lis Le Monde diplomatique depuis une cinquantaine d’années ! J’ai commencé quand j’étais lycéen... c’est dire mon attachement à ce journal. Il m’a semblé naturel de contribuer à sa traduction en espéranto, d’autant plus que je suis persuadé que l’espéranto peut jouer un rôle important comme langue-pont culturelle, et que ce rôle, à mon avis, est largement sous-estimé, voire négligé, par le mouvement espérantiste.
Un jour de l’été 2015, je me suis décidé, et j’ai envoyé la traduction d’un article à Vilhelmo.

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Mike LEON : J’ai appris l’espéranto en Nouvelle-Zélande en 1966 et je me suis engagé activement dans les mouvements locaux et internationaux. Après avoir pris ma retraite, j’ai cherché quelque chose à faire et en 2003, j’ai proposé de traduire pour Le Monde Diplo en espéranto. 154 traductions ont suivi.

EA  : Le Diplo en espéranto  parait chaque mois depuis 2002, avec un tout premier numéro en 1999, n’est-ce pas  ? Comment s’est opéré le rapprochement des premiers traducteurs en espéranto avec l’équipe éditoriale du Monde diplo  à Paris  ? Quelles sont les conditions de cette collaboration  ?

VL  : Au printemps 2002 j’ai demandé par écrit à la rédaction parisienne l’autorisation de traduire leurs articles. Ils ont répondu qu’ils avaient déjà pensé à une édition en espéranto et m’ont proposé un contrat officiel. Ce contrat a été signé l’automne de la même année à Paris.
Nous avons le droit de traduire tous les articles du Diplo en français et devons traduire et publier au moins l’éditorial mensuel. Nous pouvons aussi publier des articles d’autres sources et d’autres langues, si elles ne dépassent pas 20% du total mensuel des articles. Cela concerne surtout les articles des éditions du Diplo en d’autres langues. Nous n’utilisons pas assez cette possibilité, et donc la participation de traducteurs d’autres langues serait vraiment bienvenue !

EA   : L’équipe de traduction rassemble des traducteurs qui rédigent depuis plusieurs langues (allemand, anglais, espagnol, français, portugais). Comment vous organisez-vous entre vous, comment choisissez-vous les articles à traduire, de quelle façon travaillez-vous de concert sur les articles chaque mois  ?

VL   : Nous utilisons le logiciel SPIP, très efficace et créé pour de telles taches. Le logiciel a deux espaces complètement séparés : public et privé. L’espace public est ce que voient les lecteurs sur le site https://eo.mondediplo.com . L’espace privé n’est accessible qu’aux collaborateurs, en général les traducteurs.
Dans cet espace privé, le traducteur annonce, dans un fichier spécial, son intention de traduire un article particulier et les autres traducteurs savent ainsi qu’ils n’ont pas à s’occuper de cet article déjà choisi.
Après traduction, le traducteur la publie dans l’espace privé, et elle devient visible pour les autres, qui peuvent alors proposer des modifications au travail effectué. Quand le traducteur pense que le texte est prêt pour publication, il presse simplement le bouton de publication, et voilà, l’article apparaît dans l’espace public.

JMC  : Dès le début du mois, chacun choisit, en fonction de ses goûts et préférences, le ou les articles qu’il traduira et l’indique sur le site privé. Premier inscrit, premier servi ! Mais attention aux doublons possibles : cela fonctionne car nous ne sommes pas très nombreux. Le système de relecture par les collègues n’est pas toujours assez rigoureux (en dépit du fait que l’un d’entre nous, qui ne traduit pas, se consacre exclusivement à la relecture) et le résultat n’est pas toujours parfait. Nous aurions besoin là aussi de collaborateurs.

TT  : Chacun choisit librement les articles qu’il souhaite traduire... après avoir vérifié qu’un autre ne les a pas déjà choisis, bien sûr.
En ce qui me concerne, je choisis des articles plus orientés vers un public international. Il m’arrive parfois de privilégier quelques régions du monde auxquelles je suis plus lié par mon histoire personnelle.
Une fois la traduction proposée à l’équipe, nous échangeons sur les coquilles et fautes à corriger, les améliorations à apporter, grammaticales, lexicales, le traducteur intègre ces corrections et l’article est ensuite publié.

ML : Bien que l’anglais soit ma langue maternelle, je lis assez bien le français pour le traduire. Rarement, un article en anglais est disponible et, s’il est intéressant, je le traduis.
Je recherche des articles susceptibles d’être lus, sur des sujets d’actualité qui préoccupent les gens dans le monde entier : changement climatique, pollution des mers, épuisement des stocks de poissons. Si un article paraît sur ma région (Océanie), je le traduis.

EA  : Au sein de l’équipe, en quoi consiste précisément le travail de chacun d’entre vous quatre ?

VL : Bon, on m’a choisi comme président du groupe. Mon rôle principal c’est : 1) traduire et publier l’éditorial mensuel, 2) répondre entièrement du fonctionnement de notre journal, et 3) représenter notre journal à l’extérieur.
Il faut mentionner qu’un membre de l’équipe particulier, qui ne traduit pas lui-même, relit et contrôle les articles que les traducteurs lui soumettent.

JMC   : Pendant quelques années j’ai traduit au rythme de 3 ou 4 articles par mois, tout en relisant les traductions de deux collègues. J’étais consciente de nos faiblesses, non seulement sur le plan de la traduction mais aussi sur l’aspect graphique de notre site : nous avions perdu notre technicien informatique, et le site n’a pas changé d’aspect graphique depuis vingt ans ! Avec l’accord de Vilhelmo, j’ai alors fait quelques démarches pour trouver de nouveaux collaborateurs – traducteurs et techniciens – et assurer la pérennité du Monde diplo en espéranto. J’ai aussi représenté notre équipe à l’une des réunions annuelles des Rédactions internationales du Diplo, qui avait lieu à Paris cette année-là. Un problème de santé m’a obligée à réduire mes activités, qui ont même complètement disparu pendant l’été 2021.

TT  : Je traduis l’article que j’ai choisi et le propose à l’équipe. Puis après corrections, et je les intègre à l’article. Au total un article me prend une quinzaine d’heures, tout compris, que je répartis sur une dizaine de jours, mais ça dépend de la longueur de l’article et de sa difficulté : certains sont plus faciles à traduire que d’autres.

ML : Je traduis un article par mois et le soumets pour vérification. J’apporte les modifications nécessaires et l’article est ensuite publié.

EA : Par le passé Le Diplo en espéranto  a été imprimé quelques fois en exemplaires spéciaux de 8 pages. À quelles occasions, et par quelle maison d’édition  ?

VL   : Ces éditions ont été faites à l’occasion de grands événements espérantistes, par exemple les Congrès mondiaux. Ce sont les éditions de MAS (Monda Asembleo Socia) qui les a publiées. Mais, au moins pour l’instant, nous avons cessé de le faire car c’était extrêmement dispendieux : il n’y avait que quelques acheteurs pour ce qu’ils pouvaient obtenir gratuitement, sous une autre forme, sur notre site...

JMC : Il me semble que des éditions papier ont également été faites à l’occasion de plusieurs Forums sociaux mondiaux, à Porto Alegre (Brésil) ou ailleurs ? (Voir : http://mas-eo.org/spip.php?article140 )

EA   : Hormis cela, les articles paraissent régulièrement sur le site İnternet du Diplo en espéranto et sont relayés notamment par RSS, Twitter et Facebook. Quels retours avez-vous de votre lectorat  ?

VL  : Au début nous avons donné aux lecteurs, sous chaque article, la possibilité de commenter le contenu. Mais nous avons dû supprimer cette possibilité à cause des spams automatiques.
En général les réactions, sur les différents réseaux sociaux, sont très positives. Cela montre d’abord l’excellent travail de la rédaction parisienne, mais aussi nos traductions dans un espéranto plutôt de bonne qualité.
Par ailleurs j’aimerais mentionner une intervention que j’ai faite lors d’une rencontre de journalistes espérantistes au sujet de la contribution du Monde diplomatique en espéranto au journalisme espérantiste : http://mas-eo.org/spip.php?article284

TT    : Ceux que je traduis sont aussi relayés sur Mastodon, je n’ai jamais eu de réactions négatives.

ML : J’ai une page Facebook sur laquelle j’affiche chaque mois les titres des derniers articles et, au milieu du mois, j’ajoute un lien vers un article d’intérêt particulier tiré des archives. À en juger par le nombre de « likes » que reçoit ma page, le site Le monde diplomatique est régulièrement visité et apprécié.

EA : Pour ceux de nos lecteurs qui ne connaitraient pas le contenu du Monde diplomatique, comment décririez-vous le contenu des articles proposés  ? Sur quels sujets peut-on s’attendre à avoir des informations, et en quoi sont-elles traitées différemment des autres journaux   ? 

VL   : D’abord, il ne s’agit pas d’informations, mais d’analyses (qui, bien sûr, comprennent aussi des informations intéressantes). Analyses d’événements politiques et culturels dans le monde, faites du point de vue, non d’un certain pays ou d’une certaine couche sociale, mais de celui de l’humanité entière. Il s’agit d’un journal « de référence », ses assertions se basent sur des sources nommées et des études référencées.

JMC   : Les articles se répartissent en deux catégories : analyses et reportages. Sans oublier des critiques de livres et d’articles de revues. Aucun continent n’est oublié. Quand on l’a essayé, il est difficile de s’en passer !

TT   : En une phrase : « Le Monde diplomatique est le journal de référence de tous ceux qui veulent comprendre le monde — mais aussi le changer. » C’est dans la présentation du journal.
Je pense qu’il faut aussi souligner qu’il s’agit d’une publication totalement indépendante, même vis-à-vis du journal Le Monde.

EA  : Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs  ? Comment des volontaires peuvent-ils vous contacter s’ils souhaitent rejoindre l’équipe de traduction  ?

VL  : Aux francophones qui ne parlent pas espéranto, mais qui sympathisent avec Le Diplo en français et avec l’espéranto et ont un peu de temps et l’envie d’aider, je peux conseiller ceci :
Après la lecture d’un article que vous, chers lecteurs, considérez comme important, vous pouvez insérer une citation de l’article, ou un lien vers lui, dans les divers articles de, par exemple Wikipédia, qui parlent du même thème.

JMC   : Ceux qui souhaitent donner leur temps bénévolement, comme traducteurs , relecteurs ou autre tâche technique peuvent contacter Vilhelmo Lutermano, dont les coordonnées sont sur notre site.

TT   : Les membres d’Espéranto-France sont a priori francophones, je leur conseille donc d’acheter et lire la version française, plus complète. La version en espéranto leur donne la possibilité de faire connaître un article particulier à leurs contacts espérantophones ailleurs dans le monde. Ça peut aussi leur permettre d’approfondir leur connaissance de la langue en comparant les versions.

EA    : Merci à vous pour votre participation à cette interview. Félicitations pour tous les articles déjà présents ; nous vous souhaitons du succès pour les numéros à venir.

Propos rapportés par Alexandre ANDRÉ

Bientôt un nouveau site pour le diplo en espéranto !

Une nouvelle version du site du Monde Diplomatique en espéranto est en cours de développement. La nouvelle interface, plus moderne et accessible, est construite sur le même modèle que l’édition en français.

Le site du Monde Diplomatique en espéranto : le site actuel et la maquette du futur site (en cours de développement)

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Maquette du futur site